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RAPPORT SUR LE COLLOQUE ORGANISE PAR : LE CENTRE MAGHREBIN D’ETUDES STRATEGIQUES

RAPPORT

SUR LE COLLOQUE ORGANISE PAR :

  LE CENTRE  MAGHREBIN D’ETUDES STRATEGIQUES

EN COLLABORATION AVEC

LA FONDATION KONRAD ADENAUER

SOUS LE THEME :

LA CRISE SECURITAIRE AU SAHEL ET SES REPERCUSSIONS SUR LES PAYS DU MAGHREB ARABE

LES 6 ET 7 NOVEMBRE 2013

HOTEL WISSAL/NOUAKCHOTT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PPREMIERE JOURNEE : LE 6/11/20013

PREMIERE SEANCE :

Président : Mr Yahya o Ahmed Al wakaf, ancien premier ministre.

Le mot d’ouverture a été prononcé par Dr Didi Ould Saleck qui a souhaité la bienvenue aux participants. Ensuite, la parole a été donnée à Dr Helmut  Reifeld, représentant de la Fondation Konrad Adenauer qui a regretté ne pas pouvoir comprendre l’Arabe, ce qui, dit – il : «  m’a empêché de saisir le contenu du discours du Dr Didi, surtout en ce qui concerne l’institution que je représente. » Mr Reifeld a passé en revue l’action de la Fondation Konrad dont l’une des missions consiste à aider les organisations et les institutions de par le monde à développer et à vulgariser la culture démocratique.

 La Fondation, ajoute Dr Reifeld, est proche de la politique d’autant plus qu’elle est accréditée auprès du parlement allemand à qui elle rend compte sur sa coopération financière avec les institutions avec lesquelles elle entretient des relations. Le représentant de Fondation a précisé que le siège de son institution se trouve au Maroc et que les colloques organisés en Mauritanie visent à mieux cerner la situation dans cette région du monde, en recueillant  le plus d’informations et de données possibles.

Et d’ajouter qu’en Allemagne, les décideurs politiques se rendent parfaitement bien compte de la gravité de la situation qui prévaut actuellement au Sahel, une situation dont les rebondissements peuvent menacer, non pas seulement les pays de la région, mais également, toute la communauté internationale. L’institution fait de son mieux pour contribuer à l’analyse et au débat organisés de temps à autre autour de la crise. La Fondation Konrad Adenauer ni ne finance ni ne parraine le Centre Maghrébin d’Etudes Stratégiques pour faire passer un quelconque point de vue, mais son action consiste à servir les intérêts  communs entre l’Allemagne et les pays de la région, a conclu l’orateur.

Ensuite, Dr Didi Oud Saleck a dit être honoré que Mr Yahya Ould Ahmed Al wakaf a accepté de présider la séance.

Ce dernier a remercié le Centre pour cette initiative avant d’ajouter que le menu de la séance comporte trois exposés :

  • Un exposé présenté par Mr Mohamed Lemine O Kettab
  • Un exposé présenté par Mr Mohamed Abdallahi Ould Taleb Abeidi
  • Un exposé présenté par Dr Didi Ould Saleck

Le temps imparti à chaque exposant est de 20 minutes environ, plus 3 autres accordées au public pour enrichir le débat.

Dr Mohamed Lemine Ould Kettab : mon exposé n’est pas une analyse scientifique au sens propre du terme, mais une approche préparée à la hâte concernant une seule dimension de la crise du Sahel, rédigée en langue Arabe et résumée en français, ce qui est de nature à rassurer mon collègue allemand.

En effet, il s’agit d’une tentative dont l’objectif est de jeter plus de lumière particulièrement sur l’aspect politique de cette crise. La raison en est que toute mon attention a été concentrée sur les spécificités de tout un chacun des pays de la région du Sahel. Il faut noter ici que les répercussions politiques produisent  à leur tour des répercussions sécuritaires et des dimensions socio-culturo-économiques.

Mon approche vise à cerner les racines historiques qui sont derrière cette crise et ses multiples ramifications.

Le Président : je remercie Mr Mohamed Lemine Ould kettab. J’invite Mr Mohamed Abdallahi O Taleb Ould Abeidi   à prendre la parole.

Mr Mohamed Abdallahi O Taleb: comme le montre la carte en projection, le Sahel se présente comme un espace allant des pays du Maghreb jusqu’aux frontières de certains pays situés au sud du Sahara.

En réalité, les frontières héritées de la colonisation ont toujours resté source de tension entre les populations qui se sont trouvées brusquement et sans leur consentement en face à des entités politiques qu’elles rejettent en bloc. Aux yeux de ces populations, ces frontières rappellent un passé douloureux qui se perpétue et qui, parfois, prend des allures dangereuses se traduisant sur le terrain par des guerres entre des voisins que la géographie et l’histoire ont intimement liés.

Mais, mon exposé sera axé sur le phénomène du terrorisme international et le trafic de drogues. De fait, la zone du Sahel, y compris le nord du Mali, est devenue depuis 2003 un lieu sûr pour les organisations terroristes. C’est l’une des conséquences de la politique adoptée par l’Algérie, qui a contraint ces organisations à chercher refuge dans le Sahara, d’où l’intérêt accordé par nombre de pays aux rebondissements de la crise sécuritaire au Sahel du fait que le terrorisme ne cesse de prendre de l’ampleur dans cette zone (voir le papier).Je vous remercie.

Le Président : la parole est donnée à Mr Didi Ould Saleck

Dr Didi : merci Mr le Président.

Comme vous le savez, la crise de l’Etat-national au Sahel n’est pas quelque chose de nouveau, mais une anomalie qui a accompagné la naissance de cet Etat, et la crise s’est inscrite dans la durée à cause justement des déformations dont a toujours souffert le nouveau-né.

En conséquence, la crise en recrudescence dans la zone du Sahel n’est qu’une facette  la crise d’intégration de l’Etat-national dans la région tout entière. D’ailleurs, l’incapacité de l’Etat à réaliser l’intégration et la cohésion culturelle a  conduit à des conflits à caractère racial extrêmement dangereux nourris par la fanatisme culturel, mais aussi l’impuissance de l’Etat à atteindre les objectifs du développement.

C’est dans ce milieu que des mouvements djihadistes ont vu le jour, tout comme les gangs criminels qui dorénavant possèdent leurs propres réseaux routiers pour entreprendre leurs activités en toute quiétude, profitant ainsi de l’étendue du désert qui caractérise la quasi-totalité des pays de la région  et l’impossibilité matérielle pour les autorités de contrôler tout le territoire. A cela s’ajoute, bien évidemment, les stratifications internes des populations (la tribu, la classe, l’ethnie…).

Pour ces raisons, la région du Sahel africain connaît depuis belle lurette une série de crises qui mettent en péril, non pas seulement l’entité de l’Etat- national, mais également la stabililté dans cette partie du monde. Ce qui s’est passé au Soudan, décomposé et scindé en deux Etats, ou encore au Mali tout récemment, où l’Etat s’est effondré, a constitué un motif suffisant pour qu’il y ait une intervention étrangère directe.

Ces évènements auront, certes, des conséquences incommensurables dont notamment le fait que le rétablissement de la paix et de la sécurité est désormais difficile sur le plan international du fait des menaces sécuritaires qui pèsent sur les pays du Sahel, la zone du Maghreb Arabe, la région d’Afrique de l’Ouest, et l’Afrique sub-saharienne.

 Et comme vous le savez, l’étendue de la zone du Sahel s’élargit et se rétrécit en fonction des stratégies mondiales qui ont initialement tracé les frontières de cette région et suivant l’usage politique et médiatique de l’expression de la part des amateurs. Il en résulte que le concept du Sahel reste aux confins peu précis, ainsi que la délimitation géographique de la zone. Je vous remercie.

Deuxième séance

Président : Seyid Ould Bah

 Intervenant : Mhamed Maliki

Le thème que j’aborde tente de répondre à une question qui m’a été posée par les organisateurs du colloque. La question est la suivante : qu’est – ce que les pays du Maghreb arabe ont fait face à la crise saharo – sahélienne ?

Ici j’avance quatre remarques fondamentales pour clarifier le contenu du papier :.

  • L’intérêt accordé à la région du Sahel a pris de l’ampleur depuis le déclenchement du printemps arabe et le changement intervenu en Libye compte tenu de la proximité des pays de la région de la Méditerranée,

  • Le changement politique intervenu en Libye a crée une nouvelle donne géostratégique,

  • Les contours de la situation ne sont pas tout a fait visibles. Au Mali, on est devant un pays qui a d’énormes difficultés à se réconcilier avec certaines composantes de ses populations : les Touareg sont en rébellion, la migration clandestine se prospère, le trafic de drogues atteint son apogée, tous ces facteurs ont concouru pour accélérer cette course stratégique entre les différents acteurs.

Ce sont là des faits qui dénotent d’un manque de rationalité auquel s’ajoute une certaine forme de négativité endogène à la compétition au niveau de ce qu’on a convenu d’appeler ‘le soulèvement arabe’ qui a crée une nouvelle donne mettant la Libye et la Tunisie dans un état de transition qui exige la révision des priorités suivant la situation de chacun des deux pays.

Quant à la Mauritanie, elle est bel et bien concernée par ce qui passe à ses frontières, mais ses moyens ne lui permettent pas de faire face seule à la crise, selon ses responsables.

Je voudrais conclure mon exposé en disant que la crise sécuritaire au Sahel a dévoilé l’absence d’une stratégie commune entre les pays du Maghreb, d’où leur rôle de second plan en matière d’initiatives en comparaison avec d’autres pays, ce qui risque, à mon avis, de rendre encore davantage la position de ces pays de plus en plus inconfortable..La situation est donc inquiétante.

Le président Mr Seyid Ould Bah : je remercie infiniment le professeur M’hamed Almalki que je connaissais très optimiste, mais qui a conclu son exposé sur un ton assez pessimiste à la kantienne, je crois.

La parole est à Mr Hamma Mahmoud Agha.

Je remercie Mr le président. Je ne suis pas spécialiste, mais, j’ai tout de même suivi l’évolution de la situation dans la région depuis très longtemps.

Je voudrais parler au sujet du terrorisme dans la région avant et après l’opération ‘Serval’. En effet, le terrorisme existait déjà dans cette région bien avant cette opération mais  d’une manière plus ou moins latente, tandis que la volonté de la France d’intervenir militairement n’est devenue visible qu’après la fin des opérations. Cette intervention a tout balayé: les maisons, les hommes, l’environnement…des atrocités de tous genres..et la presse française a tout simplement fermé les yeux sur ces exactions.

Pour les populations de l’Azawad, le rôle de la presse dans cette opération a été négatif et l’image et l’impression qu’elle en a données sont truquées. Pire, le terrorisme est loin d’être vaincu et l’unité nationale n’est pas pour demain.

La réalité est que la région d’Azawad se trouve aujourd’hui hors du contrôle de l’autorité centrale dont la présence est symbolique voire marginale.

Par ailleurs, le monde a assisté au déroulement des élections qui y ont été organisées à la hâte tout récemment où la majorité des populations azawadiennes n’ont pas pu voter.

Pour conclure, je pense que toute intervention qui emboiterait le pas à ‘Serval’ ne serait pas suffisamment efficace pour éradiquer le terrorisme à l’instar de celles qui l’ont précédée au Pakistan, et ailleurs. Et l’intervention a été un échec, pour la simple raison que les français ne connaissent pas la région et se sont contentés des seuls bombardements aériens, ce qui a fait que le nombre de morts parmi les populations civiles a été le double des pertes parmi les groupes armés.

Par conséquent, l’impression que partage la plupart des habitants de la région est que l’intervention ne visait que la composante blanche de la population et que l’autre composante a été foncièrement épargnée. C’est pourquoi les gens voient d’un mauvais œil l’opération ‘Serval’ qui, selon une certaine opinion publique locale, n’est que le sommet de l’iceberg de la nouvelle politique française dans la région. Je vous remercie.

Le président : la parole est à Mr Mohamedou ould Md El Moctar.

Merci Mr le prérsident.

Au début, la situation dans la région m’a paru un petit peu floue, mais, pour m’en sortir, j’ai choisi deux pays comme exemples pour illustrer mon analyse. En effet, le concept du Sahel concerne un espace beaucoup plus vaste que la région dont on essaie ici de spécifier les contours, et l’instabilité politique constitue l’une des constantes des pays africains.

Le premier indice de l’instabilité politique est le phénomène des coups d’état militaires en Afrique, et la région du Sahel en a enregistré la part du lion, soit le1/4 des coups d’état perpétrés sur l’ensemble du continent, et qui ont atteint 166 dont 85 coups réussis. Parmi les causes de ces coups d’état, on peut citer :

  • Le rôle croissant de l’establishment militaire dans les affaires politiques, à cause notamment du manque de professionnalisme dû à sa vocation sécuritaire depuis sa création (la Garde Républicaine…)

  • L’incrédibilité des hommes politiques qui ont pris la relève après ceux des indépendances
  • Les mauvaises conditions économiques, la propagation de la pauvreté et l’analphabétisme, la faim et la maladie, ce qui est de nature à aider les putschistes à faire passer leur discours fustigeant l’autorité renversée.

Quant au sujet des interventions sécuritaires, il a été traité par les intervenants qui m’ont précédé. Je vous remercie.

Le président : je remercie Mr Mohamedou pour l’excellent exposé qu’il a fait.

Le public (dans la salle):

  • Colonel Boukhari : je pense que nous devons parler de la problématique de la crise et non du problème de la crise, car il s’agit d’une crise complexe, imbriquée et multidimensionnelle. Et je répète ici que nous devons nous libérer du complexe colonial : il n’y a plus de colonisés ou de colonisateurs
  • Mohamed Saleck Ould Dahi (journaliste): les orateurs ont évoqué différents points. Mais, je pense qu’il faut parler énergie. Il est de notoriété publique que le sous-sol de la région recèle d’énormes réserves de pétrole, et d’aucuns pensent que l’Algérie est derrière ce climat de terreur pour protéger et perpétuer son leadership dans la région,e tant sur le plan sécuritaire qu’énergétique, d’où la complexité de la crise,
  • Bilal Ould Werzeg (ex-ambassadeur) : au cours des années 90 du siècle dernier, on disait que le problème du Sahel serait résolu en concertation avec les pays de la région ou sans eux,

D’autre part, je partage le point de vue selon lequel il y a une certaine complicité internationale par rapport à la crise du Mali à l’instar d’autres crises dans monde d’où la forte présence des puissances internationales.  Dans cet ordre d’idée, et quand on voit la défaite facile de l’armée malienne, on est en droit de s’interroger sur le sort des fonds investis sur cette armée.

De plus, il y a un malentendu entre l’Occident et les Touareg s’agissant des voies et moyens susceptibles de garantir une solution juste à cette crise. Il faudrait, donc,  agir de concert pour mettre fin à cette situation plutôt chaotique,

  • Un autre intervenant (anonyme) : tout d’abord, l’Etat n’a pu devenir un Etat – national. Au début, il a essayé d’être commanditaire avant de devenir monolithique, un monolithisme confirmé par la prise du pouvoir par les militaires. En conséquence, l’esprit tribal s’est accaparé de l’élite sous le nouveau régime, et les chefs tribaux se sont transformés par la force des choses en décideurs politiques incontestés.

Ainsi, l’Etat a toujours été perçu comme concurrent, voire ennemi juré du  citoyen. Pour venir à bout de cette anomalie, les pays de la région sont appelés à amorcer une nouvelle dynamique à même de corriger les erreurs du passé et de remettre le train du développement sur le rail,

  • Un autre intervenant (anonyme): j’ai quelques observations. D’abord, la réalité sécuritaire assez confuse ne constitue pas un souci pour les gouvernements qui l’ont créée et, qui dans les conditions normales, doivent y trouver une solution adéquate. Dans ces circonstances, le citoyen a le pressentiment que les gouvernements ne sont pas prêts à faire justice à la religion ou de faire régner la justice parmi les populations. Aussi, l’africain en général, et l’Arabe, en particulier, ne possède pas une culture de paix. Et le phénomène de coups d’Etat résulte de l’absence de prise de conscience chez ces populations qui sont sensées défendre la légitimité,
  • Mohamed Said Ould Hamedi (journaliste, ex-ambassadeur) : je voudrais d’abord féliciter les trois intervenants. Moi, je pense que le thème du colloque devrait être inversé, puisque la crise sécuritaire nous concerne tous, nous peuples du Maghreb arabe au même titre que les populations du Nord du Mali. Je pense aussi que l’insécurité interne est le résultat de l’injustice, et c’est ce qu’il y a de plus grave. Nous devons, donc, assumer nos responsabilités, mais les autres doivent, eux aussi, assumer les leurs. J’ajoute tout simplement que nous devons rester vigilants vis –a- vis de ce que les grandes compagnies occidentales appellent les ‘zones grises’.
  • Dr Didi Ould Saleck : la crise du Sahel est une crise structurelle, et ce qui se trame en Libye déterminera, négativement ou positivement, l’avenir des pays du Maghreb,
  • Mekvoula (présidente d’une ONG) : nous parlons des causes de la crise, et moi, je crois que parmi les manifestations de cette crise, le retour, sans vergogne, des élites à la tribu, la propagation de la culture religieuse aux dépens de la culture civique, et le manque d’intérêt pour le tourisme…etc.

Réponses des conférenciers :

  • Mohamed Lemine Ould Kettab : ce qui se passe dans la région intéresse bien les pays du Maghreb Arabe, surtout en ce qui concerne leur sécurité et leur stabilité nationales. Par ailleurs, tout le monde est conscient de la gravité de la crise dont le règlement nécessite une stratégie commune capable d’interagir positivement avec les efforts d’autres acteurs intéressés. A défaut d’une telle stratégie, la région serait au bord de l’abîme,
  • Hamma Mahmoud Agha : son excellence l’ambassadeur a soulevé quelques questions au sujet de la cohabitation entre les Arabes de l’Azawad et les autres ethnies. La question est assez complexe. Je rappelle tout simplement que le mouvement de l’Azawad repose sur droits et des revendications justes, et l’histoire en est temoin. Déjà, les Romains parlent des habitants Touareg dans cette région (tribus touareg et berbères) avant l’arrivée de Beni Hassane et l’empire de Gao a été initialement fondé par les Touareg. Quant aux origines des revendications et des révolutions, il faut les chercher dans les abus et les exactions commis à l’encontre des populations de la région.

 En  tout cas, l’histoire pré -coloniale de la région n’a pas rapporté des guerres ou des conflits comparables à celles qui ont caractérisé la période postcoloniale. On  peut, donc, en déduire que c’est l’occupation étrangère qui a semé la division entre les différentes composantes des populations autochtones.

Par ailleurs, la France a toujours soutenu ces rébellions, mais elle a toujours changé d’attitude dés que le pouvoir central à Bamako se trouve menacé.

En fin, si je me concentré sur le phénomène des coups d’état dans la région, cela ne veut pas dire du tout que je minimise les autres facteurs d’instabilité dans la région.

Session d’après-midi

Président : Mhamed Almaliki

Premier conférencier : Mr Mohamed Saleck O Brahim : je voudrais limiter mon exposé sur les thèmes abordés au cours des interventions de ce matin. L’exposé comporte deux axes :

  • Les répercussions généralisées
  • Et les répercussions propres à la Mauritanie qui appartient à la fois à l’espace et africain.

J’ai évoqué, en outre, la question d’énergie qui est souvent passée sous silence au cours débats organisés autour de cette problématique, en dépit de son rôle  crucial dans les conflits qui ont secoué la région du Sahel, compte tenu notamment des travaux de fouilles sous la surface – les explorations et les problèmes qui en résultent.

Concernant les racines des groupes djihadistes, je pense qu’elles remontent aux organisations qui ont vu le jour dans  certaines Républiques de l’ex-Union Soviétique. Ces organisations étaient essentiellement à la solde des pays du Golf et les réseaux de renseignement  occidentaux de façon générale, et américains, en particulier, avant que ces groupes ne se retournent contre ceux qui les ont formés et armés.

Entre temps, le Sahel est entrain de devenir un espace de concurrence géopolitique et géostratégique entre les puissances régionales et internationales afin de mettre la main sur les réserves énergétiques que recèle  le sous-sol sahélien (pétrole, gaz, or, phosphate, diamant, fer, charbon…). Il est connu de tous que les grandes puissances sont depuis quelque temps en compétition pour obtenir une bonne part de ces richesses qui vont être exploitées avant d’être commercialisées sur les marchés asiatiques via le Soudan, américain via le Golf de Guinée et européen via l’Océan Atlantique, mais aussi au Sahara et dans le Maghreb Arabe.

La Mauritanie, quant à elle, demeure, en dépit de sa position géopolitique et géostratégique, le maillon faible dans cette chaîne vu son incapacité de contrôler l’ensemble de son territoire très vaste, au relief difficile, à dominante désertique avec une densité démographique très faible. Je vous remercie.

Le président : la parole est à Mr Seyid Ould Bah.

Il est tout a fait vrai que seuls les paresseux se justifient en arguant que ce qu’ils voulaient dire a été dit auparavant par ceux qui les ont précédés. En réalité, mon exposé a chevauché avec celui de Mr Mohamed Saleck, mais je vais essayer de m’étaler sur ce qu’il n’a pas dit.

Pierre Bourget, l’anthropologue français, a dit que toute classification est une prise de position, et nous sommes en face d’une crise de classification. Si on revient à l’histoire de cette région, nous allons découvrir qu’elle a fait l’objet de  plusieurs appellations : l’orient islamique, qui a précédé la Maghreb Arabe, l’Afrique blanche par opposition à l’Afrique noire, c’est – à – dire l’Afrique subsaharienne, ou encore l’Afrique du Nord, qui apparaît comme une expression neutre.

Ce qui attire l’attention le plus dans cette histoire c’est que les groupes armés suivent aujourd’hui les mêmes itinéraires et les mêmes chemins que ceux utilisés historiquement par les caravaniers, ce qui constitue une réhabilitation de ce réseau qui fait partie intégrante de la vie économique des populations de la région.

Le président: je remercie Mr Seyid Ould Bah qui a bien voulu nous rappeler les racines de la problématique que nous sommes entrain de débattre aujourd’hui, préconisant une redéfinition du concept du Maghreb Arabe.

La parole est maintenant à Mr Boyati.

En réalité, il faut avoir de l’audace pour parler juste après Mr Seyid. Toutefois,  j’ai préparé un papier dont voici la synthèse. En effet, si on regarde les résultats circonstanciels, la guerre du Mali a constitué une percée et un début de solution pour ce pays frère qui a perdu le contrôle des 2/3 de son territoire, qui a connu un coup d’état militaire et dont les provinces du Nord ont été érigées en Emirat islamique, menaçant ainsi les grandes villes du Sud.

Mais, la zone du Sahel est globalement considérée comme une zone fragile qui a besoin autant de la sécurité que du développement réel pour renforcer le peu d’infrastructures dont disposent les pays de la région, qui doivent également revoir leurs priorités suivant les exigences du moment. Il faut rappeler, au passage, que la structure étatique de ces pays est beaucoup trop fragile, ce qui se traduit dans le fait par une incompréhension mutuelle entre l’Etat et certaines composantes du tissu social. D’où les déchirements et les  crises périodiques qui se déclenchent ça et là et auxquelles l’autorité n’arrive pas à venir à bout, le cas du Mali en fournit l’exemple le plus éloquent. Cette crise confirme, s’il en est encore besoin, que le développement économique réel est inséparable de la  sécurité et de l’instabilité politique. Je vous remercie.

Le public (dans la salle):

  • Didi Ould Saleck : je m’interroge sur le bienfondé des études publiées au sujet du pétrole dans cette région. En effet, ces études semblent parfois contradictoires quant à l’importance ou non de cette énergie. Qu’en est – il exactement?

Dr Mohamed El Mehdi Ould El bechir: je ne suis pas intéressé par la question des groupes armés ou terroristes, la question fondamentale est la suivante : le concept du terrorisme est – il crée pour être vraiment combattu ? Ou bien, un moyen pour gérer le conflit? Le terrorisme n’a – t – il pas servi les intérêts des grandes puissances plus que tout autre moyen ? Le terrorisme n’empêche – t – il pas les pays de la région de se développer à l’instar des autres pays ? Les groupes armés ne sont – ils pas infiltrés – donc téléguidés comme l’ont signalé certains orateurs ? Quel rapport y a – t – il entre le terrorisme et l’absence de liberté ? Le terrorisme n’a – t – il pas permis aux élites corrompues au pouvoir dans ces pays de jouir d’avantages et de privilèges incommensurables ?

Deuxième journée : 07/11/2013

Président : Idoumou Ould Mohamed Lemine

Conférencier : Mohamed El Moctar El Alawi (colonel, gendarme)

Je remercie tout le monde et en particulier le Centre pour l’intérêt qu’il ne cesse de manifester pour la sécurité dans le Sahel. L’initiative mérite qu’on s’y arrête. J’ai beau tergiverser au sujet de ma participation au colloque, et ce pour plusieurs raisons parmi lesquelles la complexité et la sensibilité du sujet. Mais, je pense que la création du Centre a offert une nouvelle opportunité à travers ce genre de rencontre pour traiter des questions stratégiquement importantes. Aussi, le Centre a – t – il  servi de pont permettant le contact entre l’armée, d’une part, et la société civile, les milieux universitaire et académique, d’autre part.

Il n’est un secret pour personne que le Sahel est sérieusement menacé du fait des conflits entre les pays de la région et les organisations terroristes transfrontalières et dont les bases arrières se trouvent dans des pays limitrophes. De plus, le Sahel  est victime de crises socio – économiques du fait de la mauvaise gouvernance qui frappe de plein fouet les rouages de ses économies. A cela s’ajoutent, bien entendu, les guerres entre les pays et les querelles intestines qui divisent pratiquement toutes les sociétés de la région. Il y a aussi la mafia et les organisations criminelles qui sillonnent librement la région de long en large et qui font prospérer le trafic d’armes et de drogues, un phénomène qui a vu le jour en Algérie depuis 1987 et qui a atteint des proportions inégalées dans la région.

Il faut noter, également, l’existence de centaines de milliers d’armes de tous calibres qui circulent dans la région. Ce phénomène s’est accentué après le changement intervenu en Libye qui, aujourd’hui, constitue une réserve d’armes inépuisable, et tant que ce pays ne retrouve pas sa stabilité, le danger restera là aux portes de la région.

Les groupes terroristes, de leur côté, se fient à une certaine interprétation d’un verset coranique qui incite les musulmans à s’armer pour combattre leurs ennemis. Dans ce sens, ces groupes se permettent tout, y compris le commerce explicitement interdit par les préceptes de l’Islam et autres pratiques illégales. Et lorsque je me suis renseigné sur le sens et la portée dudit verset, tous les Ouléma (érudits)  du pays m’ont affirmé qu’une telle interprétation est erronée et qu’elle est loin des fins de la Chariaa (la loi islamique).

Dans cet ordre d’idée, un expert allemand a révélé que le commerce de cigarettes a commencé dans cette région depuis le début des années 80 du siècle dernier, et qu’il y a des ports en Afrique qui reçoivent annuellement des milliers de tonnes de cocaïne et d’héroïne (Guinée, Benin..).

Toutes ces menaces, qui pèsent sur le Sahel, ont des répercussions directes sur les pays du Maghreb Arabe, lesquels pays connaîtront des moments difficiles au cas où des mesures efficaces ne sont pas prises pour renforcer la sécurité le long des voies de passage aux frontières de nombreux pays du Sahel.

Nous sommes en droit, à l’issue de ce diagnostic, de nous interroger si l’Etat – national africain, après les indépendances, a été fondé sur la base de la sociologie africaine, qui prend en considération les valeurs authentiquement nationales ? Ou, au contraire, il s’agit d’une structure formelle importée de l’étranger et qui a échoué à s’adapter aux réalités locales ? Enfin, quel est le contenu qu’on donne à l’Etat en Afrique postcoloniale ?

Le président : je remercie le Colonel pour le diagnostic qu’il a fait sur les différentes dimensions de la crise du Sahel, notamment ses aspects en rapport avec la question des Touareg au Nord du Mali, la Casamance au Sénégal et le Sahara occidental, mais également dans ses dimensions économiques : le trafic de drogues et des armes.

La parole est à Mr Abdelkader Ould Mohamed, ancien ministre.

Je voudrais d’abord féliciter le Centre pour l’opportunité qu’il a offerte aux chercheurs et autre public intéressé pour étudier et approfondir leur connaissance par rapport à des questions stratégiques qui concernent de prés ou de loin la région. Personnellement, je considère l’intégration maghrébine, ou plutôt, l’option stratégique avec le nord méditerranéen connu sous le nom « 5+5 » l’une de mes premières préoccupations. En effet, le Maghreb se trouve dans une impasse comme le confirment les évènements que vit la région, et le Sahel n’est pas en reste.

S’agissant de la Mauritanie, je pense qu’il faut prendre de la distance par rapport au discours officiel, car la Mauritanie originelle a toujours été de par son histoire, une terre de rencontre entre le Maghreb Arabe et l’Afrique noire.

Quant au Maghreb Arabe, crée officiellement en 1989, il est resté lettre morte et les défis qui se dressaient sur son chemin sont toujours là. Et la question que l’on se pose est de savoir si les bases de cette entité ont été vraiment jetées ? D’aucuns prétendent que les choses se sont compliquées davantage, et pour preuve, une bonne partie de l’opinion publique maghrébine préfère parler du Grand Maghreb plutôt que du Maghreb Arabe.

Mon point de vue est que, tant que la question du Sahara occidental n’est pas réglée, il faut considérer que le Maghreb Arabe est mort-né.

Paradoxalement, l’Europe est beaucoup plus intéressée par l’unification du Maghreb que les maghrébins eux – mêmes. Mais, sur quelles bases peut – on unifier le Maghreb : les bass économiques ? Les bases sécuritaires ? Ou plutôt lutte contre la migration clandestine ?

Aux yeux des européens, la Mauritanie occupe une place de choix dans la région du Sahel, devenue aujourd’hui un exemple type d’insécurité, comme l’a souligné tout à l’heure le Colonel Alalawi. Pour ces raisons, la Mauritanie est appelée à jouer un rôle primordial dans deux espaces voisins mais troubles à cause notamment d’un terrorisme consécutif aux mauvaises politiques économiques et sociales, auxquelles s’ajoute l’absence de cohésion sociales

Il en résulte que toute approche sécuritaire, quelle qu’elle soit, est vouée à l’échec si elle n’est pas accompagnée d’une approche économique qui prend en compte les réalités propres à la région.

Par ailleurs, l’impasse maghrébine, aggravée par le bourbier sahélien interpelle les partenaires européens qui doivent donner un coup de pousse aux efforts entrepris en vue de trouver une solution définitive à la question du Sahara occidental, d’une part, et aider au développement économique des pays de la région, d’autre part.

Evidemment, les problèmes ne peuvent être résolus que par le dialogue et la démocratie. Regardons le Sénégal qui représente aujourd’hui un exemple de stabilité, et la Mauritanie peut  s’inspirer de son modèle.

Aussi, faut- t – il créer une société civile capable de véhiculer les idéaux démocratiques et confiante en ses propres capacités à régler les problèmes du Maghreb Arabe. Je vous remercie.

Le président : je remercie le conférencier qui nous a résumé les trois thèmes qu’il a déjà traités à travers des publications parues depuis quelque temps.

La parole est à Mr Izidbih Ould Mohamed El Bechir.

Le titre de l’exposé laisse présager deux volets opposés :

  • La nécessité de combattre le terrorisme
  • Et l’obligation de vigilance par rapport au terrorisme.

Le terrorisme est défini comme étant l’usage de la violence et la force en dehors de la légalité juridique par des individus ou des groupes d’individus juridiquement non autorisés à agir de la sorte. Ce terrorisme peut être exercé par l’Etat ou par des organisations ou par des individus. Sont également considérés terroristes les pratiques étatiques en dehors de la légalité juridique à l’encontre de ses adversaires et ses opposants politiques aux fins de monopoliser le pouvoir au prétexte de protéger la société.

En Mauritanie, le concept du terrorisme fait l’objet  d’un certain nombre de paradoxes dont :

  • L’impératif d’éviter la guerre contre Alqaida et les autres groupes armés, car une telle confrontation ne servira qu’un agenda étranger, facilitant ainsi l’immixtion dans les affaires intérieures aux conséquences néfastes sur la concorde sociale et le développement économique,
  • La nécessité de coordonner avec les pays voisins, en particulier, les pays du Maghreb et les pays africains connus sous le vocable : « pays du champs », pour les inciter à redoubler d’effort en terme de concertation dans le domaine militaire et sécuritaire. Cette concertation peut englober aussi la collecte des informations sur le trafic de drogue et d’armes et les fonds subséquents. Il en est de même des opérations militaires conjointes et des responsabilités sécuritaires pour que notre pays ne se trouve pas seul en face d’un problème qui est l’affaire de tous,
  • La nécessité pour le gouvernement de maintenir un climat de paix et de sécurité pour pouvoir s’occuper du développement et du bienêtre des citoyens, des conditions dont dépend la réalisation des aspirations du peuple mauritanien.
  • La nécessité pour les gouvernements des « pays du champs » de comprendre que le combat contre les groupes armés se fonde sur deux axes : le premier a trait à la sécurité, et consiste à empêcher ces groupes de s’élargir à d’autres régions à travers la sécurisation des frontières. Le deuxième, quant à lui, concerne le développement, puisque c’est le mécontentement général qui pousse les individus à rejoindre les maquis, surtout parmi les franges jeunes de la population. Il est de notoriété publique que le terrorisme ne se développe que dans les milieux où s’installent l’injustice, la pauvreté, l’ignorance, en un mot, le désespoir  parmi les  couches les plus actives de la société,
  • Les autorités doivent savoir que les frappes menées par la France au nord du Mali ont à peine affaibli ou contraint les groupes terroristes à se redéployer sur les frontières des pays limitrophes sans pour autant les agenouiller ou les neutraliser.

Le public (dans la salle):

Le président : le débat est ouvert, et je souhaite que tout le monde soit bref.

  • Fatimetou m/ El Moustapha : je remercie les organisateurs. Mon commentaire sera axé sur le volet intérieur, car c’est celui – ci qui alimente l’extérieur. Nous devons, donc, réfléchir sur les raisons qui poussent notre jeunesse à faire partie de ces projets destructeurs.  En effet, il suffit d’un tour éclaire dans les marchés et les bibliothèques sonores pour avoir la conviction ferme que ces milieux constituent la source intarissable où nos jeunes s’abreuvent de ces idées destructrices. Notre pays est en danger. Comment peut – on concevoir que des gens, qui se réclament de l’Islam, égorgent des personnes innocentes en plein mois béni du Ramadan ?
  • El Housseine Ould Emmeddou : je remercie le Centre pour l’intérêt qu’il accorde à ce sujet assez important. Moi, je pense que le problème est dû à l’injustice et à l’oppression que subit une bonne partie de la population, et le terrorisme est venu après. Par ailleurs, les autorités maliennes ont adopté l’approche : terre contre paix. Résultat : perte de la patrie tout entière. Et la guerre contre le terrorisme est une fatalité, mais à quel prix ?

La lenteur de l’autorité centrale malienne à envisager des solutions  aux problèmes a conduit à la perte de la souveraineté (le coup d’état), et par la suite, le règne de l’insécurité et le délabrement économique.

Sur ces entrefaites, la construction du Maghreb Arabe devient une nécessité  pour assurer un partenariat euro-méditerranéen viable, tant sur le plan économique que politique.

  • Hamma Mahmoud Agha : je voudrais être bref, et j’exhorte les chercheurs à se pencher surtout sur les origines de cette crise. Il y a un chevauchement entre le comportement du terrorisme et la main invisible de certains pays. Mais, une chose est sûre, la force du terrorisme vient de la faiblesse de nos Etats, de l’injustice, du sous-développement, parmi d’autres facteurs.
  • Le Colonel Alawi : je remercie Mr le Ministre pour les éclaircissements sur certains points que je n’ai pas pu aborder au cours de mon exposé. La question qui s’est toujours posée est de savoir si l’Afrique postcoloniale est capable d’assurer sa propre sécurité ? l’Etat africain se trouve aujourd’hui à l’épreuve. D’ailleurs, l’occasion m’a été offerte, il y a quelque temps, de participer à une rencontre organisée aux Etats – Unis d’Amérique, et j’ai suggéré aux universités de financer des recherches et/ou thèses sur le thème du terrorisme et les réseaux mafiosi, mais, hélas, je n’ai pas encore reçu de réponse.

Au sujet du point soulevé par Mr Agha, comment peut – t – on croire que les populations autochtones sont en mesure d’assurer la sécurité dans ces espaces désertiques alors que certains pays ne disposent pas de moyens suffisants pour faire face au terrorisme.

Deuxième séance

Président : Mr Mohamed Lemine Ould Kettab

Conférencier: Mr Isselmou Ould Mohamed

Les économistes disent que tout conflit militaire qui se déclenche sur n’importe quel point du globe, implique qu’il y a un problème

économique (commerce, production, investissement, arrangements économiques..), au même titre que tout conflit militaire a des conséquences économiques. D’où la présomption que le terrorisme ne se développe que dans des milieux économiquement propices et socialement et politique instables. Dans cet ordre d’idée, une étude américaine a conclu que le premier facteur qui pousse un jeune (donné) à rejoindre un groupe armé est le chômage. Le sentiment d’injustice que partage la plupart des jeunes qui voient autour d’eux une minorité de corrompus s’approprier  les richesses nationales est lui aussi un incitateur à la violence et à la révolte. Parmi les solutions envisageables pour limiter la violence :

  • La mise en place d’une administration apolitique dont les agents sont recrutés sur des bases saines, respectant le principe de la sanction et de la récompense,
  • Le respect de l’équité et de la justice entre les citoyens en terme d’accès aux richesses, à l’emploi et aux « facilités ».

Le conférencier : le Colonel Boukhari : je suis colonel de l’armée mauritanienne. L’objectif de mon exposé c’est l’efficacité et non la polémique. Ma conviction est que, de tous temps, la sécurité est une condition sine qua non pour la survie et le développement des Etats et des sociétés. Mais, il y a plusieurs niveaux de sécurité : interne, externe, individuelle, collective, locale, nationale, internationale…etc. Et si la globalisation a des hauts, elle a aussi des bas dont la multiplication des foyers de tension dans le monde, des nouvelles formes de menace, la difficulté croissante pour les pays les moins lotis de maîtriser et de sécuriser leurs frontières et leur espace. Il importe donc, de retrouver l’équilibre entre la sécurité dans son acception classique (militaire) et la sécurité globale dans ses diverses dimensions (économique, politique, sociale, culturelle, miliaire, environnementale…etc). Dans ces conditions, la Mauritanie qui appartient à la fois à l’espace arabe, africain et islamique, ne peut pas échapper aux influences multiples de ces différents environnements.

Le public (dans la salle):

  • Mohamed Saleck Ould Brahim : merci pour ces papiers qui se complètent (dans leur volet économique et sécuritaire). Je suis pour l’idée que les recherches réalisées par les civils soient intégrées avec celles faites par des militaires spécialisés. Je pense qu’il faut dépasser le point de vue classique selon lequel le civil et le militaire ne peuvent pas aller de pair. Je pense surtout aux recherches spécialisées et stratégiques.
  • Aboubacar Al ansari (d’Azawad) : les principales causes de l’instabilité dans l’Azawad sont : la marginalisation, la pauvreté, la paupérisation instrumentalisée par les autorités maliennes. Si ces problèmes ne sont pas réglés, il n’y aura pas de stabilité dans la région.

Troisième et dernière séance

Président : Mohamedou Ould Mohamed El Moctar

Conférencier: Abdallahi Mamadou Bâ:

Je remercie le Centre Maghrébin et la Fondation Konrad Adenauer d’avoir organisé cet atelier d’une importance grandissime.

Mon approche s’axera sur deux points:

  • Pourquoi l’extrémisme et le terrorisme sont – ils liés?
  • Expriment – ils une étape de pensée pour faire face à la réalité, compte tenu du fait que l’extrémiste et le terroriste croient que leurs idées leur permettent de relever le défi de la réalité ou du système en place, surtout lorsque ces idées sont transformées en actes?

Le deuxième point est relatif aux média dans toutes leurs facettes qui jouent un quelconque rôle dans la propagation de la pensée et des pratiques terroristes. Initialement, l’extrémisme était une idée, alors que le terrorisme constitue la matérialisation de l’idée, tandis que les média sont les canaux par lesquels passe cette idée, cette pratique. Mais, il est difficile de parler d’une approche unifiée pour combattre le terrorisme et l’extrémisme médiatiquement, si bien que le moyens classiques, telles que l’interdiction, la censure ou autres, ne soient plus efficaces.

Le président : je remercie Mr Abdallahi Mamadou Bâ pour l’intéressant exposé qu’il a fait et qui a lié le terrorisme et l’extrémisme, d’une part, et les média en tant que vecteur des idées extrémistes et terroristes, d’autre part.

La parole est à Mr Mohamed El Bechir.

J’ai fait exprès de ne pas employer le terme « terrorisme » puisque les américains refusent de le définir ou de définir les contours du concept. De plus, ce papier est une synthèse d’un certain nombre d’articles que j’avais écrits. Dans ces articles, j’ai considéré que la « violence » commise par les différents groupes terroristes – au nom de l’Islam – n’est qu’un acte criminel et aux motifs purement criminels dont les victimes sont des innocents.

La cause principale de ce phénomène réside dans le fait que la jeunesse musulmane dans la région du Sahel puise ses idées dans des conceptions maladroitement tirées de livres religieux basés sur un seul rite. Lesdits livres étaient rédigés dans une époque caractérisée par des guerres généralisées entre toutes les nations et toutes les religions, d’où la prédominance de la culture de la haine.

Mais, à la lumière des changements qu’a connus le concept des relations internationales à la fin du 20èm siècle, la disparition de l’Etat islamique unifié, la décomposition de la puissance militaire des musulmans, l’impossibilité de de poursuivre l’expansion aux dépens des territoires d’autrui – devenue une violation de la souveraineté des nations et une menace pour la paix et la sécurité internationales –  les Oulémas (érudits) musulmans sont appelés à revoir la plupart des règles ayant constitué la base de leurs concepts eu égard aux rapports avec autrui. A ce propos, ils sont appelés à trouver des réponses aux interrogations suivantes :

  • Quel était, à l’origine, le fondement de la relation entre le musulman et le non musulman, est – il la paix ou la guerre ?
  • En Islam, la guerre est – elle la règle ou l’exception ?
  • Lequel est l’origine : le jihad de l’attaque ou le jihad de la défense ?
  • L’aposta est – il combattu puisqu’il est tel, ou pour s’en protéger ?
  • Le monde est – il toujours – dans notre Fiqh (jurisprudence) – divisé en terre d’Islam et terre d’apostasie ?

Le président : je remercie le collègue pour cette précieuse intervention qui a constitué un plaidoyer pour redéfinir certains de nos règles et principes.

La parole est à Dr Selma.

L’exposé traite du mouvement jihadiste : ses ramifications, ses origines ainsi que ses dimensions culturelles et identitaires. Par ailleurs, je crois que privilégier l’approche sécuritaire est une chose acceptable en Occident, mais peu crédible dans le monde arabo-musulman. Et bien que le jihad « apostasiant » soit nouveau en Islam politique, son expression reste assez équivoque dans les écrits de ces mouvements, même s’ils justifient clairement la violence commise à l’encontre du gouvernant. Mais le concept du gouvernant, dans ces écrits, reste trop vague. Ce gouvernant (ou gouverneur) peut être maire d’une commune, agent de police, gendarme, rédacteur en chef d’un journal, fonctionnaire, chef de service…

D’autre part, la plupart des chefs jihadistes sont issus des milieux pauvres et marginalisés. Il faut noter ici que la loi française interdisant l’appartenance tribale a été pour beaucoup dans la destruction des rapports sociaux et le sentiment de non appartenance à une région donnée. A cela s’ajoute, bien entendu, la politique socialiste communautaire de l’Algérie postcoloniale qui a renforcé cette rupture, cette destruction des rapports traditionnels. C’est probablement dans ces circonstances qu’ont vu le jour les premières manifestations – en Algérie – de ce qui deviendra un jour le « terrorisme ». Viendront par la suite les premiers contingents d’une milice extrémiste connue sous le vocable : « les Arabes afghanes », qui combattaient les troupes soviétiques au côté des afghanes et qui vont grossir les rangs des cellules jihadistes déjà opérationnelles sur le terrain.

Nous pouvons, alors, en déduire que le terrorisme est la matérialisation d’une idéologie qui est, par extension, l’ennemi de l’Etat – national, de la modernité et de la culture moderne.

Le Rapporteur

Mohamed El Kori Ould Arbi

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